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Acquisition d’un portrait de Lépicié

Le portrait d’une Vieille femme au fichu blanc, dit "La grand-mère" de Nicolas-Bernard Lépicié (1735-1784), daté de 1774, rejoint les collections du musée Cognacq-Jay.

L’œuvre met en lumière les qualités de portraitiste, la palette subtile et élégante et l’originalité de la technique de cet artiste peu connu du siècle des Lumières.

Lépicié

Ce petit portrait en buste, peint à l’huile sur panneau de bois, est daté et signé par l’artiste. Il s’agit d’une étude préparatoire pour la figure de la vieille femme représentée dans Les Accords ou La Promesse approuvée conservée au musée des Beaux-Arts de Grenoble.

À côté de ses scènes de genre, Lépicié se révèle un portraitiste talentueux qui sait capter la psychologie de ses modèles. À l’image de Jean-Jacques Rousseau, il est particulièrement attentif à la représentation des émotions et des expressions humaines. La singularité de cette étude réside également dans sa facture virtuose, extraordinairement bien conservée. L’œuvre permet d’admirer la matière riche et les empâtements délicats dans les blancs du fichu et le pinceau libre et enlevé qui donnent à voir le travail du peintre. Ils suggèrent la légèreté de la chemise ou le caractère lumineux de la coiffe. De rapides rehauts blancs, posés sur la pupille des yeux, traduisent l’expression d’une certaine mélancolie. La délicatesse de la palette, aux subtils accords de bleu, blanc et marron, semble s’inspirer des tonalités des pastels très en vogue au XVIIIe siècle. La qualité naturaliste du portrait – peint sur le vif, la poésie qui émane du regard fatigué de la vieille femme et la délicatesse des couleurs confèrent à ce portrait une puissance suggestive d’une rare efficacité.

 

Le sujet choisi, la composition intime, resserrée sur la figure, mise en lumière par un fond neutre simplement brossé, permet de mieux comprendre la méthode de travail de Lépicié. Elle interroge aussi la question de la réplique, pratique commune aux peintres du XVIIIe qui devient presque une règle chez Lépicié, dont les œuvres majeures existent en deux ou trois exemplaires.

Fils de François-Bernard Lépicié, graveur du roi, Nicolas-Bernard se consacre à la peinture qu’il étudie dans l’atelier de Carle Van Loo. Reçu en 1769 à l’Académie royale de peinture et de sculpture, Lépicié se produit dans un premier temps dans la peinture d’histoire mais essuie de nombreuses critiques dans ce genre. Le peintre est en revanche unanimement apprécié pour ses œuvres intimistes où se mêlent les inspirations de Greuze, Chardin et de la peinture hollandaise qui renvoient le plus souvent au monde paysan. Les Accords ou La Promesse approuvée s’inscrit dans cette production très appréciée de ses contemporains. Présentée au Salon en 1775, cette belle composition située dans une cuisine de ferme représente une vieille femme portant un tablier blanc, assise entre une jeune fille et un jeune homme qui se regardent avec une tendre ferveur. Elle unit leurs mains sur ses genoux en signe d’assentiment en vue de leur prochaine union. Cette figure de vieille femme a pour origine au moins deux esquisses connues dont la Vieille femme au fichu blanc, objet de cette acquisition. Cette multiplicité d’études de visage est récurrente dans le processus créatif de Lépicié.

Cette Vieille femme au fichu blanc est proche, dans son exécution comme pour son format, son support et son approche, de notre portrait de jeune femme, La Coiffe blanche du même artiste. Dans les deux cas, l’étude d’après nature est saisissante et l’exécution, quasi impressionniste, d’une grande liberté. La finesse de la restitution psychologique et le raffinement de la palette constitue des points communs à ces deux sujets. Là encore le modèle se retrouve dans une autre composition, La Famille du menuisier (collection privée). Son acquisition permet ainsi au musée de présenter ces deux études – une jeune femme et une femme âgée – à deux âges de la vie et de donner à voir, par cette confrontation, la méthode de travail de Lépicié autant que ses qualités de portraitiste.

Annick Lemoine, directrice du musée Cognacq-Jay

Acquis par le musée en décembre 2021, ce petit portrait intime correspond particulièrement au goût d’Ernest Cognacq, offrant une rencontre privilégiée avec l’esprit du XVIIIe siècle français. Les deux œuvres sont exposées en regard l’une de l’autre depuis janvier 2022.

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