L
ES
D
ONATEURS
Théodore-Ernest Cognacq, né le
30
octobre
1839
à Saint-Martin-de-Ré, doit très vite
travailler pour seconder sa mère veuve comme employé dans un magasin à La Rochelle
puis à Bordeaux et à Paris. Avec ses économies, il ouvre une échoppe «Au Petit
Bénéfice », rue Turbigo, mais il échoue et, camelot habile, décide de vendre de la bon-
neterie, sur le Pont-Neuf, sous un grand parapluie rouge. Vendeur hors pair, il loue une
nouvelle boutique, sur le quai, qu’il baptise « La Samaritaine » en souvenir de l’ancienne
pompe élévatrice du Pont-Neuf.
En
1872
, il épouse Marie-Louise Jay ( Jaÿ), née le
1
er
juillet
1838
à Samoëns, en Haute-
Savoie, première vendeuse au Bon Marché et personnalité économe et volontaire.
Travailleurs acharnés, ils développent rapidement l’entreprise et créent La Samaritaine,
un grand magasin moderne, rival du Bon Marché et des Magasins du Louvre, fourmi-
lière où l’on vend de tout au meilleur prix. Leur réussite est, bien sûr, synonyme de
richesse, mais leur seul luxe sera l’hôtel particulier avenue du Bois, avec son jardin, et les
belles voitures dont Ernest Cognacq ne se sert que pour rejoindre au petit matin les
nouveaux locaux de la Samaritaine, construits en
1903
par l’architecte novateur Frantz
Jourdain dans un style Art Nouveau fait de fer et de lave émaillée.
À la fois soucieux de prestige social et véritablement philanthropes, les époux Cognacq
vont successivement intéresser une partie de leur personnel aux bénéfices du négoce et
créer, grâce à ceux-ci, des fondations destinées à améliorer la vie des employés méritants :
maternité, pouponnière, sanatorium, maison de retraite, maison d’accueil pour jeunes
vendeuses, écoles professionnelles, œuvres dont l’impact demeure de nos jours. Louise
Jay établit aussi à Samoëns un dispensaire et des écoles, mais surtout le célèbre jardin
alpin, La Jaÿsinia, géré actuellement par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.
Ernest Cognacq est un collectionneur passionné, cependant, sans vraie culture artistique
et sans temps libre pour chiner, il n’est pas un amateur éclairé. Il prend conseil pour ses
acquisitions de son ami Camille Gronkowski, conservateur du musée du Petit Palais, de
l’historien d’art Seymour de Ricci et d’un antiquaire connu, Édouard Jonas, qui, par
ignorance ou calcul, ne fera pas toujours les meilleurs choix. À la fin de sa vie, Cognacq
traitera même avec des courtiers en chambre. C’est ainsi qu’il engrange cette collection
d’art du
XVIII
e
siècle qu’il désire transformer en musée pédagogique ouvert à tous. Il le
conçoit comme une annexe du magasin de la Samaritaine de luxe qu’il a fait bâtir, bou-
levard des Capucines, près de l’Opéra, à l’intention d’une clientèle plus huppée.
Ce nouvel établissement est la distraction de ses vieux jours. Il y organise, entre
1925
et
1927
, dans des salons drapés de velours, plusieurs expositions successives, afin de pré-
senter à ses riches chalands les trésors d’art en sa possession. Des articles de presse et
des photographies anciennes nous font connaître ces manifestations de prestige. Après
le décès du patron, le
21
février
1928
, son neveu et fils adoptif Gabriel Cognacq a veillé
à l’installation du musée permanent qu’il avait souhaité. Lors de la fermeture de la
Samaritaine de luxe, la ville de Paris a transféré la collection, en
1990
, dans l’hôtel
Donon, au cœur du Marais.
Pastels et dessins