Nuit Blanche 2025
Samedi 7 juin, de 19h à minuit.
La mer qu’on voit danser, installation de Clara Tournay.


À l’occasion de la Nuit Blanche 2025, le musée Cognacq-Jay accueille l’artiste Clara Tournay pour son installation La mer qu’on voit danser.
Composée d’une quinzaine de sculptures issues de la série Maeve, l’installation propose une déambulation onirique dans la cour de l’Hôtel de Donon, au gré des vagues et des souvenirs. Nimbées de brume, les Maeve rendent hommage aux déesses ancestrales et à la puissance féminine. Au cours de la soirée, trois performances de la danseuse Hélène Guilguet leur donnent vie par un jeu d’apparitions et de disparitions. Tendue vers ce qui vibre au-delà de la matière, La mer qu’on voit danser est une invitation à franchir le seuil qui sépare le visible de l’invisible.
Ces sculptures, fruits de trois années de recherche entre la Grèce et la France, célèbrent l’union de deux matières : la pierre et le polycarbonate. Clara arpente les carrières de l’Est de la France, où granit et marbre sont sortis de terre pour orner les cimetières. Elle rassemble les rebuts des marbreries : chutes, fragments irréguliers ou sous-dimensionnés, stèles à moitié polies, comme suspendues dans la mémoire double de la roche et des vivants. Le polycarbonate vient ensuite, plié et modelé par ses mains. Translucide, ondoyant, il s’enroule autour de la stèle, l’enveloppe et la traverse comme un souffle. Ces deux matières, sauvées des décombres et transformées par l’artiste, interrogent ce qui subsiste dans les changements de forme. Entre mémoire et métamorphose, quels souvenirs murmurent-elles à la nuit ?
L'exploration de la mémoire, Clara la poursuit dans l’acte créateur. Soufflées, puis thermoformées au contact de son propre corps, les œuvres conservent l’empreinte de formes féminines, hommages à la puissance des « Terres-Mères ». Elles impliquent autant la mémoire de l’artiste que la nôtre, manifestation physique d’un héritage immatériel. Parcourues de reflets irisés ou d’un bleu nocturne, les Maeve évoquent autant la vibration de l’air que les paisibles reflets de l’eau. Elles puisent leur présence dans des forces primordiales, évoquent le murmure des marées, l’incessant ressac de la mer, berceau des déesses et tombe des marins. La mer qu’on voit danser nous place à la croisée des chemins, entre la matière et le sacré, la pierre et le souffle, la mémoire et la métamorphose, l’idole féminine et la puissance marine. Clara crée un interstice, elle ouvre une brèche dans le réel.
Placés aux extrémités de la cour du musée Cognacq-Jay, deux arches font office de seuils. Elles soutiennent les sculptures en verre Danu et Terra Mater, formes primordiales inspirées des Venus paléolithiques. En les franchissant, on pénètre dans un entre-mondes où la matière se charge d’une force mystérieuse.
Dans son œuvre, Clara Tournay, née en 1996, tente de circonscrire l’invisible. Elle procède par rapprochements de principes apparemment contraires : rigidité de la pierre et légèreté du polycarbonate — c’est-à-dire de l’inanimé et du mouvant, de la mort et de la vie. Ce qui est en jeu ici, c’est la possibilité d’incarner l’invisible. Dans cette recherche, la lumière et la danse jouent un rôle fondamental. Changeantes, elles animent la matière et bouleversent l’oeuvre à chaque nouveau regard : danse sans fin des déesses archaïques, danse sans fin de la mer dans les rochers.
Les ombres mouvantes des Maeve, parcourues de reflets colorés et d’irisations vibrantes, envahissent la cour et métamorphosent l’espace. En convoquant l’univers du songe, l’artiste nous invite à expérimenter de nouvelles manières d’être au monde. Avec délicatesse, elle promeut un regard contemplatif, attentif à ce qui ne se voit pas, aux petites apparitions du quotidien. Si « nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves », alors l’œuvre de Clara est un retour aux sources.
Le temps d’une nuit, Clara Tournay ouvre un interstice poétique dans l’étoffe du réel. Quand jour et nuit se confondent, au seuil du visible et de l’invisible, La mer qu’on voit danser est une célébration de la puissance féminine, de la mémoire des choses et des êtres, des forces primordiales. En arpentant la cour du musée Cognacq-Jay, prêtons l’oreille au murmure des statues : elles nous appellent au-delà du monde.
Samedi 7 juin, de 19h à 0h.